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25 juillet 2011 1 25 /07 /juillet /2011 09:37

LA FRANCE EN CHANSONS (13/41) - Adaptation d'un succès américain, cette ballade allait forger le mythe Hallyday, «bruyant prophète des temps nouveaux», selon Jean Cau.

Le 25 octobre 1962. Un an après son premier Olympia, qui a fait trembler les murs,

Johnny Hllyday  récidive dans le célèbre music-hall parisien. Le patron, Bruno Coquatrix, a du flair. Il a décelé la perle rare: le rocker est le premier de sa génération à pouvoir s'offrir une telle salle. Tout en haut de l'affiche. Il vient d'avoir 19 ans et a déjà décroché en avril un disque d'or pour le 45-tours Let's Twist Again, vendu à un million d'exemplaires. En juin, il a fait la couverture de Salut les copains, le magazine lancé par Frank Ténot et Daniel Filipacchi, prolongement de leur émission à succès sur Europe n° 1. Paris Match suit le mois suivant avec sa une et un dossier de six pages.

Tout sourit à Jean-Philippe Smet, alias Johnny Hallyday. Il vient de signer avec la maison de disques Philips, et ne tardera pas à se faire un prénom. Après ses classes au Golf Drouot - «le» club rock de la capitale - et ses débuts à «L'École des vedettes» (18 avril 1960), sur la chaîne unique en noir et blanc, au côté de sa marraine Line Renaud, tout le métier est en ébullition; le public aussi.

À l'Olympia, ce n'est pas un simple concert de dix-huit chansons mais un vrai show à l'américaine, où tous les coups sont permis. Comme cette adaptation de Trouble, d'Elvis Presley, rebaptisée La Bagarre, au cours de laquelle on voit Johnny se battre contre trois «voyous», des cascadeurs. Effet garanti dans le public, en majorité des baby-boomers qui vont constituer le gros bataillon de ses fans. Tous prêts à danser le Mashed Potatoes ou complètement déchaînés lorsqu'au final Johnny chante à genoux I Got a Woman, de Ray Charles. On le voit recouvrir sa guitare avec sa veste, clin d'œil à la scène finale de La Fureur de vivre de Nicholas Ray, lorsque James Dean recouvre un ami agonisant avec son blouson. L'image est forte. Elle va forger sa réputation de dur au cœur tendre, d'homme de scène qui se donne à fond à chacun des concerts.

Parmi les autres titres, il y a surtout L'Idole des jeunes, autre adaptation d'un succès américain, Teenage Idol. C'est la chanson fétiche d'un certain Ricky Nelson, contemporain de Presley remarqué auprès de John Wayne dans le célèbre western de Howard Hawks Rio Bravo. Mieux qu'une douce ballade, elle devient pour Johnny un surnom et surtout le symbole de tout ce qu'il représente: la jeunesse rayonnante, l'énergie brute, la beauté sauvage et le talent insolent. Un an plus tard, dans Le Figaro littéraire, Jean Cau écrivait: «Je salue en Johnny le bruyant prophète des temps nouveaux.» 

 

 


 

 

 

«Les gens m'appellent l'idole des jeunes/Il y en a même qui m'envient», chante alors Johnny. Le texte français est signé Ralph Bernet, Marseillais du quartier de la Belle de Mai. Un stakhanoviste du couplet-refrain, un champion du disque d'or (82 en tout) qui a déposé quelque trois mille chansons à la Sacem, dont mille enregistrées, notamment pour Tino Rossi, Julio Iglesias, Claude François, Eddy Mitchell, Sheila et, bien sûr, Johnny Hallyday (Pas cette chanson, Excuse-moi, partenaire). Les paroles dévoilent la solitude et l'ennui d'une idole qui cherche l'âme sœur. Un argument vendeur pour la légion de groupies qui en rêvent.

Quelques mois auparavant, lors du tournage du film à sketchs de Marc Allegret Les Parisiennes, ­Johnny rencontre Catherine Deneuve dont il avoue «être tombé fou amoureux». Une aubaine pour la presse qui ne s'appelle pas encore «people». On le voit chanter à la guitare pour elle - qui porte une fine chemise de nuit - un slow écrit par Charles Aznavour et son beau-frère Georges Garvarentz, Retiens la nuit. Troublé, il reprendra la scène plusieurs fois. Amour impossible - l'actrice sort déjà avec Roger Vadim qui s'est toujours demandé s'il n'y avait pas eu un petit flirt entre eux - mais succès assuré pour le 45-tours et le 33-tours 25 cm, début 1962. Au même moment, lors d'un concert de Vince Taylor à l'Olympia, Johnny Hallyday rencontre une adorable blonde de 17 ans que lui a présentée le producteur Eddie Vartan. C'est sa sœur, elle s'appelle Sylvie. Qui tombe amoureux le premier? Difficile à savoir. En tout cas, ils formeront plus tard le couple le plus célèbre de la génération yéyé.

Pour l'heure, le rocker n'a pas le cœur à s'attacher. En février 1962, il part pour Nashville enregister un album en anglais, Hallyday Sings America's Rockin'Hits, composé de standards comme Be-Bop-A-Lula et Maybelline. Il est le premier chanteur français à travailler dans le studio Bradley's, en compagnie des Jordanaires, les légendaires choristes de Presley. Sur place, il constate que le rock est un véritable raz-de-marée qui va bientôt envahir le monde.

À son retour en France, il est en tête du hit-parade avec Viens danser le twist et Retiens la nuit. Il prépare une tournée d'été qui prévoit quarante-trois galas dont quelques-uns seront annulés pour préserver l'ordre public. Un triomphe tel qu'on refuse du monde tous les soirs et que les bagarres se multiplient. Parfois pour des raisons politiques entre partisans et opposants au référendum du 8 avril qui annonce l'indépendance de l'Algérie.

En novembre, Johnny est déclaré bon pour le service militaire et partira en 1964 à Offenburg, en Allemagne. En quelques mois, il est devenu l'idole des jeunes. Il le restera longtemps, et reprendra même la chanson pour ses 50 ans au Parc des Princes, le 15 juin 1993. Mieux qu'un surnom, une deuxième peau, qui lui permet d'échapper aux blessures du temps. Pourtant, en décembre 2009, plongé dans le coma à Los Angeles, la réalité l'a sournoisement rattrapé. Sa jeunesse s'était brutalement évanouie.

 

 


«Johnny 60 ans», de Jacques Barsamian et François Jouffa (Éd. L'Archipel) et «Johnny le rebelle amoureux» de Bernard Violet (Fayard)

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